Difficultés d’accès aux soins : Pourquoi les femmes sont-elles plus touchées ?

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Habiter loin des professionnel.le.s de santé, ne pas pouvoir trouver rapidement un rendez-vous ou un.e professionnel.le de santé bienveillant.e et à l’écoute, ne pas avoir de mutuelle ni pouvoir payer des restes à charge, ne pas avoir le temps pour s’occuper de sa santé…  En France, les personnes ayant un niveau socio-économique bas (catégorie socio-professionnelle, revenus, …) et les femmes ont un accès moindre aux soins.

Carte des temps d'accès au gynécologue le plus proche
Temps d’accès au gynécologue le plus proche. Source : [1]

La désertification médicale, ou le manque de practicien.ne.s dans une zone donnée, touche de nombreuses communes et départements français.es. Il s’agit principalement de zones rurales. [1] Ce phénomène est l’un des obstacles les plus importants à l’accès aux soins et touche particulièrement les femmes. A savoir, dans le milieu rural, comme dans les espaces peu peuplés, les femmes sont en moyenne plus âgées que les hommes. La population de ces zones présente un nombre de femmes très âgées particulièrement élevé : plus d’une femme sur dix y est âgée de 80 ans ou plus. Et plus du tiers des femmes des zones peu peuplées ont plus de 60 ans. [2]

Par conséquent, l’effet de la désertification médicale de ces zones a un impact particulièrement grave chez les femmes, souvent (très) âgées et donc plus à même d’avoir besoin de soins.

 

L’accès des femmes aux soins dans un contexte de désertification médicale est particulièrement réduit du fait qu’elles ont souvent besoin de soins spécifiques comme la gynécologie pour laquelle les professionnel.les se raréfient dans certains endroits. Ce problème est aggravé par un corporatisme des organisations de gynécologues qui sont souvent réticentes à donner un rôle plus important aux sage-femmes dans le suivi médical. Ce qui ne permet pas d’augmenter le nombre de professionnel.les capables et disponibles pour fournir des soins de santé aux femmes. [3]

 

D’ailleurs, des chiffres alarmants ont été mis en avant par l’enquête sur la prise en charge médicale des filles et des femmes réalisée par Osez le féminisme !. La majorité (80%) des répondantes ont déclaré avoir déjà eu des difficultés à trouver des professionnel.le.s de santé disponibles, et 60% avoir déjà eu des difficultés à trouver un.e professionnel.le de santé pas chèr.e.

En outre, le Haut-Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) a récemment souligné que les femmes constituent la majorité (64%) des personnes qui reportent des soins ou y renoncent. [4] Les causes avancées sont des démarches administratives trop complexes, les dépassements d’honoraires, des délais d’attente trop importants, des discriminations et des refus de soin, et le manque de temps.

Le manque de temps est un phénomène sous-étudié dans la littérature médicale mais qui a un effet important sur l’accès aux soins, et la santé en général. [5] Ce manque de temps touche particulièrement les femmes qui consacrent plus de temps au travail (domestique, familial et professionnel) que les hommes, [6] mais dont les revenus, en moyenne et à qualification égale, sont inférieurs. [7]

Non seulement les femmes sont plus souvent cantonnées dans des situations de précarité économique, et occupent des emplois plus pénibles (souvent non reconnus) que les hommes, mais elles sont également davantage contraintes au manque de temps. Elles ont moins de temps pour s’occuper de leur santé, pour faire du sport ou faire des actes de prévention. En même temps, elles ont moins d’argent pour pouvoir, dans certains cas, payer une bonne mutuelle ou les dépassements d’honoraires.

 

Il est grand temps que les services publics et les autorités politiques français.es fassent mieux et davantage pour diminuer ces inégalités sexistes de santé et d’accès aux soins !

Lutter contre les violences économiques (pour un niveau de revenu et des opportunités professionnelles égales entre les femmes et les hommes), pour un partage des tâches domestiques plus égalitaire, demander des mesures spécifiques contre les déserts médicaux gynécologiques et l’élargissement du domaine de compétences des sage-femmes, c’est contribuer à diminuer ces inégalités sexistes de santé.

  

Références

1          Vergier N, Chaput H, Déserts médicaux : comment les définir ? Comment les mesurer ?, DREES, 2017
2          Baccaïni B, Firdion L, Les femmes dans les territoires ruraux, CGET, 2014
3          Manon Rescan, Le renforcement du rôle des sages-femmes réveille la bataille avec les gynécologues, Le Monde, 2016
4          Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, La santé et l’accès aux soins ne doivent plus être un luxe pour les femmes en situation de précarité, 2017
5        Strazdins L, Welsh J, Korda R, Broom D, Paolucci F, Not all hours are equal: could time be a social determinant of health ?, Sociolpgy Health Illness, 2016
6         Emploi : Temps consacré au travail non rémunéré, rémunéré et total, par sexe, OECD
7         Écart de salaires entre les hommes et les femmes en 2015, INSEE, 2017