Violences masculines : de lourdes conséquences sur la santé mentale des femmes

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Au sein du patriarcat, comme dans tout autre système de domination et d’oppression, les violences sont un produit et un outil de perpétuation de la domination masculine. Ainsi les hommes commettent de nombreuses violences contre les filles et les femmes sous des formes variées : de l’insulte misogyne aux inégalités salariales ou au viol, toutes ces violences ont des conséquences sur la santé.

 

Les formes de violence masculine les plus répandues en France sont les violences conjugales, les violences sexuelles (y compris le viol), et le harcèlement sexuel en dehors du couple.

Dans le monde, d’autres formes répandues de violence à l’égard des femmes incluent l’infanticide ou féminicides sélectifs des filles, [1]  la traite des femmes à des fin de prostitution, les mutilations sexuelles féminines (excision), le mariage forcé et le mariage pédocriminel.

Des violences sexistes très répandues : les chiffres

Les femmes constituent l’immense majorité des victimes des violences conjugales. En France, environ 9 victimes sur 10 (88%) sont des femmes, et 97% des condamnations pour des crimes ou des délits sur leurs conjoint.e.s sont des hommes. [2] 99% des victimes de viol au sein du couple sont des femmes, les agresseurs, des hommes. Une femme est tuée tous les 3 jours environ par son conjoint ou son ex-conjoint.

 

Une enquête menée par l’Agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne (FRA) à l’échelle de l’UE sur les violences contre les femmes a montré que presque la moitié (43%) des femmes ont déjà subi une forme de violence psychologique commise par un partenaire intime (dénigrement, insultes, menaces, injures) et 24% ont déjà subi les violences physiques d’un ex-partenaire (gifles, coups, être bousculée ou poussée). [3] En France, chaque années au moins 1% des femmes subissent de violences conjugales physiques et/ou sexuelles (agression sexuelle, viol,…). [2]

« Tu n’es bonne à rien »,  « Si t’es avec moi, c’est parce que t’es trop moche/vieille/ne sers à rien, tu n’aurais pas ta chance avec d’autres »,  « Tu n’es pas une bonne mère », « je sais mieux que toi », … Ces violences psychologiques permettent à l’agresseur de dévaloriser la victime, de lui faire porter la responsabilité des violences et donc d’assurer son impunité.

 

En dehors des violences au sein du couple (les plus répandues avec les violences masculines au sein de la famille de manière générale), au moins 1 femme sur 5 est victimes de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle en France. On estime qu’une femme sur 3 a déjà subi des violences physiques ou sexuelles au moins une fois depuis l’âge de 15 ans, 15% des femmes ont déjà subi des violences sexuelles (viols, tentatives de viol, agressions sexuelles : attouchements du sexe, des seins ou des fesses, baisers imposés…), au moins 1 femme sur 20 a déjà été violée. Une étude Française récente (après la libération de l’écoute induite par #metoo), a estimé que presque la moitié (43%) des femmes ont subi des violences sexuelles, et 12% ont été victimes de viol . [4]

Violences et santé mentale

Ces violences fréquentes, variées et répétées créent de la tension et de l’anxiété constantes et insupportables chez les victimes. Elles maintiennent  un climat de peur et d’insécurité qui a des conséquences sur la santé mentale des femmes.

Notamment, de nombreuses femmes victimes des violences physiques et/ou sexuelles présentent de symptômes de stress post-traumatiques. [5] Ces symptômes, particulièrement fréquents chez les femmes et les filles victimes de traite, de prostitution, et de viol incluent des cauchemars, des souvenirs répétitifs et envahissants de la violence subie, de la détresse ou réactivité physiologique lors de l’exposition à des stimuli associés à l’événement traumatique.

La victime est ainsi emprisonnée dans des souvenirs qui lui font sans cesse revivre le traumatisme de la même force que lorsque les violences ont eu lieu. Et ces souvenirs vont entraîner un changement de son état émotionnel et physique. Ces troubles peuvent s’accompagner d’un manque de concentration, d’insomnie, et de comportements autodestructeurs.

 

Concernant les violences au sein du couple, l’agresseur emploie généralement une stratégie qui consiste à briser l’estime de soi de sa victime, en la disqualifiant, l’humiliant avec des injures, mais aussi à inverser la culpabilité (la faire sentir coupable), à penser que c’est de sa faute si si elle a été agressée alors qu’il en est le seul responsable. Ces violences sont mises en place progressivement et insidieusement, elle sont souvent invisibles à l’extérieur du couple. En plus il s’agit aussi d’éloigner la victime de sa famille, et/ou de ses amis, de l’isoler, bref d’empêcher tout soutien social.

 

Ainsi, les violences physiques et psychologiques provoquent une multitude de troubles et ont des conséquences graves sur la santé mentale des femmes. [6,7] D’ailleurs, les femmes victimes de violences masculines sont plus à risque de souffrir de détresse émotionnelle, de troubles d’anxiété, de dépression, de symptômes de stress post-traumatiques et de pensées suicidaires. [7–10] En plus, plusieurs études ont montré une association entre les violences sexistes et la consommation des produits psychoactifs chez les femmes, comme l’alcool, le tabac, le cannabis, et d’autres drogues. [11,12] Cette consommation serait une forme d’automédication que les femmes effectuent afin de faire face au stress et à la souffrance causés par les violences subies. En particulier, en plus d’une forte prévalence de multiples problèmes et troubles de santé mentale chez les femmes prostituées, elles forment aussi une des populations les plus à risque de poly-consommation des substances psychoactives comme l’abus de l’alcool, l’usage du crack et des drogues injectables. [13,14]

Système de santé et violences sexistes

Malgré l’ampleur des violences masculines, le nombre important de filles et de femmes qui en sont victimes, et les effets de ces violences sur la santé, les femmes sont rarement questionnées à ce sujet par les professionnel.le.s de santé. Lorsque des femmes consultent, des questions comme “Cela va-t-il bien dans votre couple?” ou “Avez-vous déjà subi des violences?” ne sont que très rarement posées. Dans l’enquête d’Osez le féminisme ! sur la prise en charge médicale des filles et des femmes, seulement 16% des répondantes ont déclaré qu’un.e professionnel.le leur avait déjà demandé si elles avaient été victimes de violences au cours de leur vie.

 

Ces résultats soulignent l’importance de former les professionnel.le.s de santé sur les violences subies par les femmes, leurs conséquences et les interventions possibles. Les violences masculines et les soins des psychotraumatismes qu’elles entraînent sont des enjeux de santé publique et doivent enfin être traités comme tels.

 

Les femmes victimes de violences peuvent appeler les numéros suivants pour recevoir du soutien et être accompagnées :

Declicviolence.fr est un site à destination des professionnel.le.s de santé, qui explique et aide à comprendre le mécanisme des violences et comment les prendre en charge.

Références

1     Osez le féminisme, Campagne « Reconnaissons le féminicide », 2014 : https://reconnaissonslefeminicide.olf.site

2      MIPROF, La lettre de l’Observatoire National des Violences faites aux Femmes, novembre 2015

3          European Union Agency for Fundamental Rights, Violence against women: An EU-wide survey: Main results,  2014

4     Violences sexuelles : 12% des femmes ont déjà subi un viol, selon un sondage, Francetvinfo, 2018

5             Mémoire Traumatique et Victimologie, Introduction aux psychotraumatismes

6          Abramsky T, Watts CH, Garcia-Moreno C, et al, What factors are associated with recent intimate partner violence? Findings from the WHO multi-country study on women’s health and domestic violence, BMC Public Health, 2011

7          Ellsberg M, Jansen HA, Heise L, et al, Intimate partner violence and women’s physical and mental health in the WHO multi-country study on women’s health and domestic violence: an observational study, The Lancet, 2008

8          Jordan CE, Campbell R, Follingstad D, Violence and Women’s Mental Health: The Impact of Physical, Sexual, and Psychological Aggression, Annual Review of Clinical Psychology, 2010

9         Pico-Alfonso MA, Psychological intimate partner violence: the major predictor of posttraumatic stress disorder in abused women, Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 2005

10          Engstrom M, El-Bassel N, Gilbert L, Childhood sexual abuse characteristics, intimate partner violence exposure, and psychological distress among women in methadone treatment, Journal of Substance Abuse Treatment, 2012

11          Devries KM, Child JC, Bacchus LJ, et al, Intimate partner violence victimization and alcohol consumption in women: a systematic review and meta-analysis: IPV and alcohol, Addiction, 2014

12          World Health Organisation, Intimate partner violence during pregnancy, 2011

13             Burnette ML, Lucas E, Ilgen M, et al, Prevalence and Health Correlates of Prostitution Among Patients Entering Treatment for Substance Use Disorders, Archives of General Psychiatry, 2008

14             Rössler W, Koch U, Lauber C, et al, The mental health of female sex workers, Acta Psychiatrica Scandinavica, 2010